The Moonlight Club | Aléas créatifs
Une approche farouchement indépendante
Trois gars munis de guitares, piano, harmonica et batterie : la formule ne date pas d'hier, mais lorsque c'est fait de manière sentie, reste que ça fait vibrer efficacement les cordes sensibles chez l'auditeur !
Le groupe montréalais fait un rock inspiré de sonorités des années '60 à '80 qui se retrouve à mi-chemin entre le folk et le new-wave. Deux timbres de voix qui s'harmonisent et s'interchangent les rôles de lead singer selon les pièces viennent ajouter beaucoup de dynamisme à l'album. Son enregistrement sans faille fait en sorte qu'il se distingue du lot, sans réinventer la roue pour autant, le but étant bien plus une sorte du clin d’œil aux influences des membres du groupe que l'innovation au sens pur et c'est tout sauf moins louable pour autant. Voici une incursion dans leur démarche DIY avec cette entrevue.
Le trio montréalais se confie sur le cheminement qui a mené à la réalisation de leur premier album éponyme. « Une des grandes insatisfactions que connaissent les artistes et musiciens, c’est le sentiment de ne pas être en contrôle de sa destinée. Tu es toujours dans l’attente d’un manager, d’un relationniste, d’une producteur, d’un promoteur, etc.. L’autoproduction, pour nous qui venons pas du tout du milieu de la musique, c’était notre façon d’être en contrôle et d’aller chercher de la satisfaction dans le processus au complet, pas seulement le résultat. On a donc tout appris par essai et erreur au cours des cinq dernières années ». Avoue candidement François Royer Mireault, guitariste de la formation.
Pour un groupe qui s'autoproduit, il s'agit souvent d'un long et sinueux parcours. « Tout a commencé avec des démos iPhones dans une chambre. Ensuite, c’était
des essais sur Garage Band avec des drum loops et des effets de voix douteux. On s’est acheté des micros, des
fils et on a téléchargé le logiciel open source Reaper. Éventuellement
quelqu’un nous a montré comment utiliser une interface audio pour enregistrer
dans notre local et commencer à faire des démos en pistes séparées. On a
compris la différence entre le mix et le mastering, et de son importance, disons qu'on a appris sur le tas ». Confie le musicien.
« Pour l’album comme tel, on avait une vingtaine de démos qui avait été
écrits entre 2010 et 2016. On avait eu notre entrainement avec le EP ‘Words In
Gold’ de 2015. On savait qu’une chanson doit être portée à bout de bras entre
l’écriture, la période de pratique, l’arrangement final, l’enregistrement et le
mix. Certaines maquettes étaient au stade de riff et mélodie, d’autres déjà arrangées à
la note et au mot près. On s’est donné trois mois les enregistrer, au rythme de deux par semaine dans notre petit local à la Coop Symphonique. On s’est aussi enfermé deux jours dans un chalet pour se sortir de notre routine. La formule était
simple : on jouait les chansons et on enregistrait le tout en live. Ça donnait
un bon aperçu du fond des compositions. On ajoutait ensuite piano,
harmonica, percussions, voix, du mieux qu’on pouvait, sans trop se casser la
tête. On a terminé avec une playlist de 11 chansons produites à l’arrache mais
qui nous permettaient de voir clairement où on s’en allait avant de rentrer en
studio ». Précise François également impliqué au sein de l'agence de commandites Elevent.
« Ensuite, on est rentré à Breakglass avec David Smith, et on a simplement
enregistré le plus de stock possible en une semaine. On a profité de chaque
heure en studio. C’était trippant. Mais ça passe vite, si tu n’es pas musicien
professionnel, tu as intérêt à être bien préparé. En studio c’était une
collaboration. David nous proposait des choses, mais on prenait les décisions
musicales à trois. Il y avait un grand respect mutuel. On savait qu’on avait la
chance de travailler avec un pro (il venait d’enregistrer Leif Vollebekk et Suuns
quand même !) qui pouvait nous en montrer et lui savait qu’il avait la chance
d’enregistrer un band indépendant qui lui faisait 100% confiance. » Déclare François.
« Il faut se rappeler qu’on ne vient pas du milieu de la musique et qu’on
ne connaissait vraiment personne au début. Ça a des avantages d’être un peu
naïf et optimiste. En 2014, on voulait formaliser notre projet musical (qui
n’avait pas encore de nom) et enregistrer un EP pour démarrer. On écoutait pas
mal le band Elephant Stone à ce moment et un soir j’ai simplement regardé qui
avait produit leur premier EP, ‘Glass Box’, en suivant les crédits au dos du vinyle. J’ai googlé le nom de David Smith et je lui ai écrit un email. Ce que
plusieurs bands se permettent pas de faire parce qu’ils sont "pas assez bons". On avait des enregistrements extrêmement lo-fi et David a simplement répondu : « I hear lots of 70’s &
80’s punk : it’s nice to hear guitars like these ». On a pris une bière ensemble, on a parlé de musique et
c’était un fit. Aucun label, aucun manager, ça allait être juste nous quatre. On a
même enregistré sur des rubans pour le EP, juste parce qu’on trippait de le
faire. Quand on a planifié le projet d’album en 2016, c’était même pas une
question, ça se faisait à Breakglass avec David ». Se remémore le guitariste.
Une campagne de financement participatif dans l'équation pour la production d'un album, ça nécessite beaucoup temps et de concessions. « Pledge Music, c’est un peu comme Kickstarter mais pour les projets
musicaux. La plateforme est structurée pour que tu n’oublies rien de ton
projet. Ils t’aident à plusieurs étapes importantes. On voulait le faire parce
que ça nous obligeait à bien structurer le lancement. Il fallait décider d’avance
ce qu’on offrait aux gens, quand on allait livrer ça et comment on allait en
faire la promotion. C’était trippant d’avoir notre projet à côté de gros noms
de la musique. Et ça nous a permis de concentrer les efforts de promotion à un
seul endroit. La leçon de la campagne Pledge Music est que le gros du travail n’est
pas avant le lancement mais après. Si tu bâtis ton projet et que tu le lances
sans vouloir l’alimenter ou le promouvoir à chaque jour, tu serais mieux
de mettre ton énergie ailleurs. Pledge Music c’est de l’huile sur le feu, mais tu
dois partir le brasier toi-même. Il faut aussi évaluer environ 5-10% des ventes
qui vont aller à la plateforme, et il faut calculer que tu n’es pas maître des
règles du jeu, tu dois te plier à ce qui se fait sur la plateforme. Tu veux
ajouter deux vidéos ? Impossible, c’est une seule. Tu veux traduire ton projet
en français ? Non, c’est anglais seulement. On doit composer avec ces
paramètres ». Nuance François.
La collaboration avec Olivier Charland pour la
conception de la pochette de l’album s’est matérialisée de manière toute naturelle, selon les principaux concernés. « On vient tous des quatre coins du Québec, mais on a grandi
ensemble à Trois-Rivières et on s’est connu à travers les arts, le skateboard
et la musique. Olivier était notre premier choix pour mettre en images notre
projet musical. On s’est assis au café Hof Kelsten avec une pile de vinyles (The Smiths, The Stone Roses, Kurt Vile,
The War On Drugs, Tom Petty et plusieurs autres), et on a discuté du design. Il nous est
revenu deux semaines plus tard avec une proposition assez champ gauche (la
pochette du premier EP). Pour refléter notre approche de production, il
nous a proposé de réaliser une œuvre concrète et de la photographier,
contrairement à faire un design fait à l’ordinateur ou prendre une photo. Le
tout était conceptuel autour de la lune. C’est devenu une série, avec la sortie
de l’album. On a maintenant hâte de voir le troisième morceau ! » Fait savoir l'artiste.
Le concept de documenter tout le processus créatif, de suivre le groupe même à travers ses moments les plus intimes et ses remises en question, cette proximité offerte au public ne doit pas toujours être évidente à gérer. « En fait, Martin Côté fait aussi partie de notre réseau d’amis créatifs de
Trois-Rivières. Excellent photographe, DJ et mélomane, il a été le premier à
nous photographier à Breakglass et en spectacle. Comme Olivier, il voulait
capturer notre approche de production et a utilisé un appareil photo
argentique. C’est aussi lui qui a booké notre premier show à l’Embuscade à
Trois-Rivières. Le groupe s’est toujours donné comme mission d’être une
plateforme créative pour nos amis proches. Un band, c’est l’empreinte
culturelle d’un petit groupe de gens qui ont partagé des histoires ensemble, et
c’est beaucoup plus riche quand ça dépasse les membres qui le compose. » Fait valoir le musicien.
Le groupe est en lice pour le prix Searchlight de CBC, le tremplin pour les nouveaux talents à surveiller. Allez voter pour eux par ici si vous désirez encourager cette formation québécoise !
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