Interview | Au cœur d'un RedLight
RedLight n'a rien à voir avec les quartiers chauds qui se retrouvent dans la majorité des grandes villes du monde. Il est plutôt question ici d'un groupe français qui s'exprime en anglais sur une musique électro-rock.
Un habile mélange de styles qui juxtapose autant d'éléments trip-hop, de funk, de blues et de dub, pour un alliage redoutablement atmosphérique et captivant. On pense entre autre à Archive, Elbow, AaRON, Tricky, EZ3kiel, UNKLE et Citizen Cope.
Avec le projet secondaire Youth Gone, il s'agit d'une version vraiment intéressante et plutôt convaincante de chanson française. Une fusion d'éléments
électroniques qui produit une accrocheuse variation de type pop-synthétique
avec un volet vocal très réussi, autant dans son interprétation assumée qu'au niveau de la justesse du chant.
Voici l'interview avec Laurent Orthlieb, l'un des membres fondateurs de ces projets marseillais.
Comment le processus
créatif prend forme au sein du groupe ?
RedLight
a été créé en 2008 autour de trois amis d’enfance (Guy, Dapé et moi même) qui ont
toujours un peu faits de la musique ensemble sans jamais monter de projet sérieux.
En 2008, après avoir passé plusieurs années à Londres, je suis rentré à Marseille, ma
ville natale, et nous avons commencé a composer des morceaux que nous
avons enregistrés sur le peu de matériel que nous disposions à l’époque, c’est-à-dire un ordinateur, une carte son, des logiciels de MAO. À partir de là, s’en
est suivie la composition d’albums et EP (deux albums, trois EP et deux doubles singles entre
2008 et 2018), toujours dans un environnement home-studio pour la partie créatrice.
Pour
ce qui est de la composition, nous sommes trois à apporter des idées de chansons assez
sommaires au départ et nous les développons ensuite au fur et à mesure, soit en
travaillant directement sur l’enregistrement et les arrangements sur
ordinateur, soit en essayant de jouer les chansons à trois en répétition live afin
de déterminer les structures, les développer et essayer d’épurer au maximum
afin de rendre le morceau le plus efficace possible.
C’est
un processus très collaboratif qui permet à chacun d’amener une part
personnelle différente, ce qui crée au final l’identité de RedLight.
Pourquoi avoir choisi
de s’exprimer dans la langue de Shakespeare ?
Personnellement, comme beaucoup, j’ai toujours baigné dans la culture musicale anglo-saxonne, qui
représente l’immense majorité de mes influences.
On a toujours l’impression que la langue anglaise « coule » un peu mieux musicalement car elle est moins « heurtée » que le français par exemple.
On a toujours l’impression que la langue anglaise « coule » un peu mieux musicalement car elle est moins « heurtée » que le français par exemple.
De plus, j’ai vécu quasiment 10 ans à Londres et l’anglais était donc une évidence pour moi. En tous cas pour RedLight. Cependant, plus le temps avance et plus je pense qu’il y a la place (et l’envie) de proposer quelque chose en français pour le groupe.
Vu
que c’est notre langue natale, on a toujours un peu peur de tomber dans les
influences directes comme Noir Désir par exemple. Il me semblait plus difficile
de trouver une identité avec le français alors que paradoxalement, c'est
surement l’inverse qui est vrai tant l’utilisation de l’anglais dans le rock en
général semble quasi automatique.
Qu’est-ce qui a
motivé votre stratégie d’offrir votre musique gratuitement au lieu de la
formule « payez ce que vous voulez » ?
On
vit à une époque où les gens ont pris l’habitude d’avoir la musique
gratuitement ou en streaming (et donc sans avoir même besoin de posséder
l’objet qu’il soit physique ou numérique). Donc au final, pour tous nos albums
parus auparavant, on a tout mis à disposition gratuitement pour qui le voulait
sur Bandcamp se disant tout simplement qu’il valait peut-être mieux que dix personnes téléchargent notre musique gratuitement et puissent ainsi potentiellement
la faire découvrir à plus de personnes plutôt qu’une seule qui nous donnerait
10 euros mais qui toucherait le moins de public possible.
Finalement,
le rêve de pouvoir vivre de notre musique s’est dissipé. Ceci nous paraît assez
utopique dans notre cas maintenant, donc autant enlever un maximum de barrières
et proposer les anciennes sorties de notre discographie gratuitement.
Comment voyez-vous
l’évolution de nos modes de consommation de la musique avec les plateformes
d’écoutes en continu (streaming) et de l’impact sur la créativité versus la
rentabilité ?
Le
principal problème est que lorsque l'on fait de la musique, ça prend du temps et de
l’argent. Et donc au final, par exemple pour produire un album en autoproduction, si on limite au maximum les frais, il faut quand même investir
quelques milliers d’euros
(production, mixage, mastering, pressage, promotion, clip, etc.).
De
nos jours, la musique n’est plus vraiment rémunératrice. Il faut faire beaucoup
de live (ce qui est compliqué quand on n'a pas une grande notoriété, en France
en tout cas) ou avoir un bon éditeur afin de toucher des droits d’auteur.
Au
final, il est de plus en plus simple de diffuser de la musique dans le
monde entier, plus simple de la produire avec l’évolution de la MAO mais se
consacrer à cela uniquement est quasi impossible car c’est très difficile d’en
vivre.
Par contre, pour l’aspect amateur de musique, j’adore avoir a disposition 24h/24 toute la
musique possible a écouter ou découvrir
mais si on se place du côté artistique /créateur, il y a surement un modèle
rémunérateur juste a trouver et développer afin de pouvoir continuer à créer.
On a longtemps parlé d’une licence globale qui pourrait être une solution (en
fonction de comment seraient repartis les droits).
De
toutes façon, on devra s’adapter aux nouvelles technologies et moyens d’écoute,
il n’y a pas le choix !
Quelles sont les clés
pour perdurer pendant plusieurs années en musique selon-vous ?
Aimer
la musique, la créer et la jouer tout simplement. Que ce soit seul ou en
groupe, écrire une chanson, la développer, voir son cheminement de l’idée, a la
démo jusqu’à sa version finale, c’est à chaque fois une petite aventure qui
recommence des qu’on se penche sur une nouvelle.
J’adore
écrire des chansons, c’est sans fin, on doute toujours, on a constamment l’angoisse de la feuille blanche, puis il y a une étincelle et ça repart.
Jouer
ensemble, en groupe avec ses amis, ça reste toujours du bonheur, prendre du
plaisir à partager un moment.
Je
dirais donc que créer et partager sont les maîtres mots pour perdurer.
À quoi peut-on
s’attendre au niveau de votre évolution sonore sur votre album à paraître ?
Nous
sommes actuellement sur un cycle de EP appelés Jukebox. Nous avons sorti déjà deux volumes de 4 titres chacun avec des styles très différents a chaque fois (ce qui
est un peu notre marque de fabrique car on aime beaucoup de choses différentes
musicalement parlant).
Nous
travaillons actuellement sur le volume 3 avec encore une fois des morceaux
assez éclectiques. Je dirais influencés par dEUS, The Beatles, Beck, Eddie
Vedder.
Pour
ces EP, on travaille vraiment en Home Studio pour tout le processus excepté le
mastering. On compose, on enregistre, on mixe directement a la maison ce qui
nous laisse le temps de pouvoir bien développer les idées sans avoir de
contraintes liées a un studio pro.
Il
y a donc un coté home studio dans la production, puisque nous ne sommes pas des
ingénieurs du son confirmés. On tâtonne, on apprend au fur à mesure. Il y a
donc beaucoup de défauts mais aussi la spontanéité et des choses moins
« formatées ».
Au
final, ça reste du rock au sens large, comme on a toujours fait, en mixant tout
ce qu’on aime en allant de l’électro au blues, du hip-hop au grunge, de la pop
au dub. Il est assez difficile pour nous de définir un style.
Quelles ont été vos
motivations principales derrière votre
projet parallèle Youth Gone ?
Youth
Gone vient de l’envie de faire quelque chose d’un peu diffèrent et
principalement en français afin de briser les habitudes, de se mettre un peu
plus à nu si on peut dire, d’affronter un nouveau challenge avec l’exigence un
peu plus dure d’écrire dans sa langue natale.
Cela
permet d’avoir un ton diffèrent, de jouer un peu plus avec les mots, d’être
plus précis dans ce que l’on évoque, les images que l’on utilise, mais aussi dans la
manière de chanter qui est différente dans le placement, la tonalité.
Pour
Youth Gone, le thème principal de ce EP (et comme le nom du groupe l’indique),
c’était d’évoquer la jeunesse perdue. Nous avons dépassé la quarantaine, avons
nous mêmes des enfants et on entre donc
dans la deuxième moitié de notre vie.
Je voulais évoquer
cette nostalgie de l’enfance, de l’insouciance perdue. Ces ambiances de
vacances d’été qui semblaient infinies à vivre milles « aventures »
avec la bande de copains.
Musicalement,
on a essayé d’associer un côté synthpop, électro avec quelques guitares
majoritairement influencées par The Cure ou Joy Division dans les sons et les
riffs.
Ça faisait longtemps qu’on parlait de créer un vrai projet francophone. On avait pas
mal de morceaux en français sur les 10 dernières années mais que nous n’avions jamais utilisé. Au
final, on a sorti un ensemble de 4 titres assez cohérents les uns avec les
autres pour la première étape qu’est ce EP.1.
On
espère bien sur qu’il y ait une suite.
Pourquoi avoir choisi
un nom anglophone pour un projet musical qui s’exprime en français ?
J’avais
en tête depuis quelques temps de créer des morceaux pour un projet un peu new-wave
/ shoegaze avec cette idée principale du spleen, de la nostalgie, de la
jeunesse perdue. À la base je ne pensais pas que ce serait pour un projet en français,
donc j’avais trouvé ce nom.
Au
final, ça correspondait bien donc on l’a gardé, ne trouvant, je l’avoue pas
mieux en français !
La quarantaine
représente quoi comme changements majeurs ?
Dans
mon cas précis, au niveau personnel, c’est sûrement de ne plus perdre de temps.
Je suis assez rêveur, et donc j’ai tendance à ne pas être tout le temps dans l'action. Je me dis que le temps passe et qu’il n y a plus de temps à perdre.
L’envie
de passer le plus de temps possible avec ceux qu’on aime, que ce soit la famille
ou les amis, d’en profiter de manière optimale. Réaliser que ce temps qui passe ne
reviendra pas et qu’il faut donc le vivre au maximum.
On
parle beaucoup de la crise de la quarantaine, je ne sais pas trop ce que c’est
mais pour moi ce serait surtout la peur de ne pas avoir le temps.
Et
puis bien sur, étant heureux papa depuis trois ans, la quarantaine c’est surtout
moins dormir ! Et certains changements de priorités. Tout se tourne un peu vers
l’enfant.
Quelles sont vos principales préoccupations pour l’avenir
au sens large ?
Outre
les inquiétudes vis-à-vis le monde dans lequel on vit, de ce que nous en
faisons, les préoccupations familiales, j’espère pouvoir continuer à écrire des
chansons, seul ET avec mes amis, avoir d’autres projets musicaux avec d’autres
personnes pourquoi pas, multiplier les collaborations puis jouer ses chansons
en live, les partager avec les gens.
Trouver
le temps de continuer à faire cela en parallèle d’une activité professionnelle
plus « classique ».
Gardez-vous un temps
dans vos vies pour avoir une certaine hygiène spirituelle ?
Dans
mon cas personnel, mon équilibre consiste en des choses simples. J’aime passer
du temps avec ma famille, mes amis, voir nos enfants grandir et essayer de leur
offrir le meilleur environnement possible. Rien de mieux qu’un bon repas entre
amis avec les enfants de chacun, qui s’amusent ensemble, un peu comme si on
transmettait l’amitié de générations en générations.
Et
puis l’essentiel pour garder mon esprit sain est de toujours rester curieux, développer
mes connaissances dans les sujets qui me passionnent comme la musique,
l’astronomie, la physique et les sciences en général.
La
lecture a toujours été un refuge paisible afin de me recentrer et
« recharger les batteries » au calme.
Merci
beaucoup à tous les lecteurs pour votre intérêt envers notre projet. À bientôt je l’espère !
En terminant, voici une pièce très représentative de ce que RedLight propose, le tout entièrement gratuitement via Bandcamp, alors pourquoi s'en passer ? Suivez la formation sur Facebook et Twitter afin d'être au parfum des développements, avec la sortie du EP Jukebox Vol. 3 qui paraîtra d'ici la fin 2019. En vous souhaitant une bonne écoute et surtout, une stimulante découverte !
En terminant, voici une pièce très représentative de ce que RedLight propose, le tout entièrement gratuitement via Bandcamp, alors pourquoi s'en passer ? Suivez la formation sur Facebook et Twitter afin d'être au parfum des développements, avec la sortie du EP Jukebox Vol. 3 qui paraîtra d'ici la fin 2019. En vous souhaitant une bonne écoute et surtout, une stimulante découverte !
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