Pierre Lapointe chez Grévin sans plus d'artifices
Les FrancoFolies de Montréal tirent à leur fin par une fraîche fin de soirée de veille du solstice estival, pour l'occasion, le Musée Grévin accueille un artiste pratiquement aussi particulier que l'endroit peut l'être pour une représentation tout aussi unique.
Nous sommes autour de 300 privilégiés qui assistent à ce spectacle qui s'annonce on ne peut plus étrange. Entourés de ces célébrités faits de cire, difficile de discerner le faux du vrai au beau milieu de l'auditoire. La facture intimiste de la prestation a nécessité l'arrêt de la climatisation pour une meilleure sonorisation, de sorte que plus les gens arrivent dans la salle, plus le mercure augmente. Nous pouvons nous attendre à une facture épurée et intimiste en contemplant la petite scène du musée où sont installés Céline Dion et René Angelil en guise d'arrière plan.
Les musiciens arrivent sur scène armés de leur guitares, sourires aux lèvres et notre protagoniste surgit tel un gamin fier de son coup, sans que l'on sache tout à fait encore à quoi s'en tenir. D'entrée de jeu, ils nous proposent une reprise de Françoise Hardy avec la pièce "La maison où j'ai grandi" où quatre guitares et harmonies vocales sont au rendez-vous. À ce stade-ci, il est clair que ce concert se fera bien spécial et acoustique, aux antipodes de l'événement de la veille à La Place des Festivals et son atmosphère survoltée.
Lapointe sue à grosse gouttes et doit faire usage d'une serviette en faisant allusion à un autre du même nom, prénommé Éric, disant que ce n'est pas dans ses habitudes et qu'il a pourtant bien plus de classe que d'en arriver là! L'humour est au rendez-vous tout au long de ses longs préambules qui mettent la table entre chacune de ses chansons qui nous fait voir l'artiste sous une autre lumière, interagissant avec un public presque plus près de lui que jamais. La proximité aidant, nous avons droit à un Pierre Lapointe tout en candeur, serein, surfant sur la vague d'adrénaline de sa prestation gratuite offerte la veille sur la scène extérieure devant une foule monstre rassemblée pour l'occasion. Même un de ses singes pneumatiques lancés au public a fait un retour remarqué dans les bras de Jimi Hendrix, installé en biais des musiciens sur la minuscule scène chez Grévin.
Mais revenons à nos moutons, après un enchaînement de balades mortellement tristes, il est temps pour une autre reprise qui va de pair avec l'aspect quétaine de l'endroit, pas n'importe laquelle, puisqu'on a choisi de nous interpréter "La complainte du phoque en Alaska" de Beau Dommage, rien de moins... Ça en prenais pas plus pour que les spectateurs se mettent à chanter pratiquement à l'unisson, avec l'ajout de l'orgue électrique et de quelques subtiles percussions au niveau de l'instrumentation. Nous avons même eu la chance d'entendre une pièce encore inédite de l'artiste, une variation sur le thème d'un amour déchu et l'espoir d'un renouveau, comme il le fait si bien!
Contrairement au slogan de l'endroit, l'auditoire ne fait pas semblant d'avoir chaud, à un point tel que l'on peut se demander si les statues vont bientôt commencer à fondre petit à petit. Ironiquement, le kitsch inégalé de l'endroit ajoute énormément à l'expérience globale en faisant ressortir les textes d'autant plus touchants et sans artifice de ce crooner contemporain. Et tant qu'à être dans le douteux, pourquoi ne pas faire allusion à la relation de Céline et René à l'âge tendre qu'elle avait lors de l'interprétation de la chanson "Comment t'aimer", qu'il a dû recommencer à trois reprises, mais on l'excuse, puisqu'il est si bon-enfant, multipliant les clin-d’œils au couple de cire qui se tient derrière lui. Ils ne furent pas les seuls à être victimes de l'humour noir de Lapointe, puisque Michael Jackson, avec le bras pointant la scène, s'est fait un peu dérangeant tout au long du spectacle. Il n'en faut pas plus pour qu'il dise à l'auditoire : "Non, mais arrachez-lui le bras quelqu'un, de toute façon il ne sent rien, il est déjà mort", un des nombreux moments où la foule s'esclaffe!
Malgré l'environnement dans lequel nous baignons, nous avons droit à un côté paradoxalement plus humain et moins artificiel de l'artiste qui nous livre l'une de ses représentations les plus touchantes à ce jour. Entre les arrangements uniques pour l'occasion, l'humour omniprésent, l'intimité et la chaleur, on ressort de ce lieu surréaliste et singulier tout simplement enchantés!
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